En revenant, voilà deux ans, dans mon patelin banlieusard de la couronne nord, j’ai remarqué un phénomène qui n’est habituellement pointé que du côté de l’île de Montréal (et Laval, il ne faut pas l’oublier), soit l’anglicisation. Je l’avais bien remarqué, mais l’avait aussitôt classé dans la catégorie « subjectif », faute de preuves.
Mais une partie de ces preuves se retrouvent aujourd’hui dans l’article de Josiane Yelle, « Les Laurentides s’anglicisent lentement, mais sûrement », paru dans le journal L’Écho de la Rive-Nord, d’après le bilan du Mouvement Laurentides français. Selon l’indice de vitalité linguistique (IVL), on y indique que la « langue anglaise possède désormais une vitalité près de quatre fois supérieure à celle du français dans la région des Laurentides. » Et pour pointer encore plus précisément le phénomène, les municipalités de Blainville et de Sainte-Anne-des-Plaines ont vu une croissance accrue « de leurs anglophones de langue d’usage de près de 47 % » en cinq ans.
La goutte :
Par ailleurs, la croissance de l’indice de vitalité linguistique de l’anglais est anormalement élevé à Blainville, Boisbriand et Rosemère, où les données indiquent une vitalité entre 6 et 36 fois supérieure à celle du français. La Ville de Sainte-Anne-des-Plaines atteint toutefois un sommet avec une croissance de l’indice de 45 %.
À ce point, le président du Mouvement Laurentides français avoue que son mouvement « agit surtout à titre de chien de garde, du moins, pour le moment. »
De mon côté, je me demande bien ce qui pourrait, soit renverser la vapeur, soit stabiliser le phénomène, parce qu’il ne faut surtout pas oublier qu’il s’agit d’un phénomène où le libre-choix est important. On ne parle pas d’anglophones ou d’allophones qui refusent d’apprendre le français (même si dans l’absolu il est aussi question de libre-choix, on ne peut pas le nier).
Une chose est sûre, c’est que cela démontre bien le caractère extrêmement attractif de la langue anglaise au Québec, malgré sa majorité francophone qui devrait agir comme un rempart (au niveau de l’usage). Mais cela ne semble pas assez… Et c’est aussi une preuve que le bilinguisme (qu’on nous vend comme une panacée) n’est pas que positif, puisque cela participe au déclin du français comme langue commune.
Ça me fait penser à une anecdote. J’étais dans une boutique de Bois-des-Filion, attendant de payer mes achats. Le client devant moi ne parlait qu’anglais et la dame qui s’occupait de lui à la caisse ne lui répondait qu’en français. Ils se comprenaient, mais je sentais bien que la dame voulait par cela lui rappeler qu’on est au Québec et qu’au Québec on se parle français en public. Peut-être que certains seront outrés par le fait que quelqu’un qui travaille au service à la clientèle se permette de ne pas répondre en anglais à un anglophone, mais ce que je sais, c’est que le propriétaire de la boutique était à côté d’elle et l’aidait, tout en conversant en français. (Pour y avoir déjà été avec un ami, et qu’il m’ait un peu raconté l’historique de la place, il se pourrait bien que la dame en question soit la femme du propriétaire, donc sûrement la copropriétaire…)
Des francophones sont libres de vivre en anglais. Des allophones et des unilingues sont libres de ne pas apprendre le français. Alors pourquoi ne serions-nous pas libres de tenter par tous les moyens de faire passer le message que le français est la langue commune au Québec, tout en étant fiers, voire même hautains?
Il est grand temps de sortir du complexe d’infériorité.
(Photo : misspixels)